Arrivée à St. Dymphna
C’était l’été, au pays du soleil levant. L’île de Kyūshū, la plus méridionale de toutes, n’était pour autant pas plus écrasée par la chaleur que les autres. Il faisait chaud à n’en point douter, mais les Japonais savaient comment pallier à cette météo capricieuse qui semblait vouloir les faire fondre dès qu’ils osaient mettre un pied dehors. Certains laissaient toutes leurs portes et fenêtres ouvertes dans l’espoir de profiter d’une brise de vent perdue, d’autres arrosaient leur perron avec de l’eau fraîche pour couper la sécheresse de l’air ambiant. Dans les années 40, la ville de Kirishima n’était que très peu habitée, les Nippons préférant les grandes villes en plein développement, où toutes les dernières technologies étaient de mises. C’était la période glorieuse, sortant de la chute de l’impérialisme. Mais si la commune était quelque peu boudée par les populations, ce n’était pour déplaire à Kiku, qui préférait le calme et le silence au brouhaha des foules.
C’était un jeune homme fort respectable, comme il aimait à le faire croire. La perfection des idéologies de l’époque, en tout points. Fils unique de forgeron et de couturière, il était travailleur et bon. A l’époque âgé de dix-huit ans, il poursuivait des études de médecine dans la seule école du coin le permettant, encore devait-il faire un long trajet pour y parvenir à chaque fois. Cela ne le faisait jamais reculer, et un brillant avenir de docteur lui était promis, ce qui donnait le sourire aux habitants de la ville puisque l’unique médecin des environs était prêt à partir à la retraite. Un autre aspect de sa personne qui suscitait l’admiration auprès de tous était sa fervente croyance. Il ne manquait jamais un rituel, et allait fréquemment se recueillir auprès de l’autel du Dieu Ninigi no Mikoto. C’était exemplaire. Combinons tous ces points à sa maîtrise du Katana, à laquelle il s’entraînait chaque semaine, et voilà. C’était le Japonais modèle. Celui que toute mère rêverait d’avoir pour fils, que toute jeune fille rêverait d’épouser. Ou pas.
Le carillon du Fūrin en verre peint résonna à travers la maison. C’était une belle demeure, comme on n’en fait plus de nos jours. Une bâtisse sans étage, formant un carré enfermant un jardin intérieur des plus charmants. Traditionnelle et bien entretenue, elle était bâtie dans une petite clairière, emprisonnée par une forêt tellement peu vaste qu’elle ne méritait pas vraiment cette appellation. Le fait est que Kiku vivait à l’écart de la ville. La forge de son père était en plein centre-ville, et sa mère cousait également loin de la maison. Toute une configuration trop belle, presque calculée pour le crime qu’il venait de commettre.
Le jeune homme finit de rattacher les boutons de sa chemise, un par un, avec ses mains nouvellement souillées. Il observait, d’un air totalement détaché, le cadavre dénudé de la fille du prêtre. Aiko, seize ans, une bien belle femme en devenir. Quel gâchis. Si seulement elle ne s’était pas débattue. Il n’aurait pas eu à lui briser la nuque pour qu’elle arrête de glapir comme une chienne. Voilà toute la considération que Kiku avait pour elle. Il la pensait divine, pure, elle était la fille parfaite pour recevoir sa semence. Oui, je me suis bien exprimée. Car c’était ainsi que cela se passait dans son cerveau jugé pourtant si brillant par le reste du monde. Mais elle l’avait déçu. Elle n’était pas digne. Aussi s’appliqua-t-il à cacher le corps en l’enterrant dans la clairière, un peu plus loin de la maison, afin que personne ne puisse la retrouver. De toute façon, qui irait le suspecter, lui ?
Après cet acte des plus anodins à ses yeux, il fit simplement un coup de ménage, comme pour se donner bonne conscience, et se servit un thé glacé bien mérité, dirait-il. Il caressa d’une main distraite le chien familial, un Shiba Inu pure race répondant au nom de Pochi. Kiku aimait les animaux, et s’il était des créatures qu’il respectait plus que les hommes, c’était bien eux. Il se souvint très clairement du ton qu’avait employé sa mère lorsqu’il avait insisté, du haut de ses dix ans, pour adopter un petit lapin. Dégoûtante. Mais elle ne savait pas ce qui l’attendait, la pauvre, qui avait osé se dresser contre lui. Oh pourtant, il aimait ses parents. Ils l’avaient élevé, et pour ça était-il très reconnaissant. Mais il n’était pas né pour être leur enfant. Il était bien plus que cela.
« Monsieur Honda. »
Le susnommé releva les yeux vers la nonne. Il se tenait bien droit, les mains sur les genoux. Ses yeux bridés, noirs, perçants, semblaient lire l’âme de la bonne femme, si âme elle avait. L’homme était pourvu d’une coupe au bol digne d’un premier de la classe, ce qu’il eût été lorsqu’il était plus jeune. Sa chemise, boutonnée jusqu’au col, était d’un blanc immaculé, rentrée dans le pantalon. Propre sur lui-même, son visage presqu’innocent ne montrait aucun signe d’émotion.
« Pourquoi avoir violé, puis tué cette femme ?
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Elle aurait dû porter mes héritiers. Mais elle était trop faible. »
La vieille haussa un sourcil circonspect. Voilà une bien basse considération de la femme. Elle n’y connaissait rien à la culture japonaise, mais elle les voyait tous comme des macaques jaunes aux yeux perfides. Ils n’avaient pas leur place ici, pas en ces temps, et si Dieu lui avait permis, elle l’aurait directement envoyé à la boucherie. Elle attendait des explications pour son acte, aussi décida-t-elle de le relancer.
« Cette fille était une païenne de religion-
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Elle était une prêtresse divine, prêchant la foi envers mon ancêtre. »
Voilà autre chose.
«
Je suis Kiku no Mikoto, descendant de Ninigi no Mikoto, arrière-petit-fils d’Amaterasu, déesse du soleil, sœur de Susanoo et Tsukuyomi, dieux des tempêtes et de la lune. »
Un sourire calme et confiant étira les lèvres du Japonais. Il avait l’air sincère. C’était d’un ridicule sans nom. La Sœur retint un rire, toussant pour se redonner un peu de contenance.
« Vous êtes Kiku Honda, vous êtes le fils des défunts Minami et Keiichi Honda. Et vous n’êtes rien. »
Il resta incroyablement calme en entendant les mots de la nonne. Il ne lui aurait servi à rien de s’énerver à cet instant-là. En tant qu’être divin, il n’avait peur de rien ni de personne. Sa colère s’abattrait sur eux, oui, à un moment ou à un autre. Ils n’avaient qu’à attendre… Leur Dieu ridicule n’était rien pour lui. Il était persuadé d’être le descendant des dieux - des vrais. Et rien sur le dossier n’expliquait d’où venait sa mégalomanie aiguë. Seul un sourire carnassier barra son visage avant qu’on ne l’emmène à sa cellule.
J'ai fait exprès de ne pas m'étendre sur l'histoire, je veux développer des trucs en RP, mais si y'a besoin de détails je suis toujours dispo :D